Phèdre de Racine au Théâtre Gérard Philipe
Matthieu Crucinani propose au Théâtre Gérard Philipe une Phèdre de Racine viscérale et magistralement interprétée, dans une scénographie de fin de règne.
La Phèdre fin de règne de Matthieu Cruciani
- Les tourments d'un sentiment amoureux interdit qui consume l'âme
- Une scénographie d'abandon qui concentre l'émotion
- Un jeu viscéral dans une diction moderne
Broyée par la conscience d'un amour dévorant
Thésée, roi légendaire d'Athènes, semble avoir disparu. Il a épousé en seconde noce Phèdre, qui dès son arrivée à la Cour tombe éperdument amoureuse de son beau-fils Hippolyte, fils de Thésée et d'Antiope, reine des Amazones. Pour contrer ce sentiment interdit, elle multiplie les brimades contre Hippolyte, mais cela ne suffit pas à faire disparaître son trouble dévorant. Alors qu'on croit que Thésée a péri, elle avoue son amour à Hyppolite, qui, lui, est épris d'Aricie, une princesse d'un clan rival captive de Thésée. Mais ce dernier n'est pas mort et revient au palais de Trézène...
Un palais à l'abandon, comme pour une fin de règne
Dans un palais décati, les meubles éparses donnent un sentiment d'abandon. Un matelas posé à même le sol est la couche d'Hippolyte, tandis que du plafond pendent des rideaux de plastique transparent. La lumière très étudiée place les comédiens tantôt dans la lueur crue, tantôt dans l'ombre. Dans un miroir au mur, Phèdre scrute dans la détresse son âme troublée. Au fond de la scène, le bleu de la mer annonce les drames à venir. Une musique inquiétante renforce l'angoisse délétère de l'atmosphère.
"Je voudrais saisir le subconscient de cette pièce, le grand refoulé, les arcanes et les ombres." Matthieu Cruciani
Un jeu viscéral dans une diction moderne
L'épure du décor concentre l'attention sur le jeu des comédiens. Les célèbres alexandrins de Racine sortent des tripes, avec une vraie capacité à les rendre actuels. Dans le rôle de Phèdre, Hélène Viviès est magistrale. Son interprétation enflammée, mais juste et nuancée, est impressionnante. Zakariya Gouram est un Thésée pris d'effroi, tremblant et presque balbutiant face au mensonge qu'on lui a fait croire. Philippe Smith incarne un gouverneur Théramène d'une force incroyable, effondré par son impuissance à arrêter l'effroyable drame qui se joue devant lui. Le reste de la distribution est plus inégal, mais cohérent avec l'atmosphère de la mise en scène.
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Tragédie en 5 actes et vers de Jean Racine (1677)
Matthieu Cruciani mise en scène
Nicolas Marie scénographie
Kelig Le Bars lumière
Carla Pallone musique
Avec Lina Alsayed, Jade Emmanuel, Ambre Febvre, Zakariya Gouram, Maurin Ollès, Philippe Smith, Hélène Viviès