Une Mouette, d'après Tchekhov, à la Comédie-Française
Elsa Granat s'empare de la salle Richelieu de la Comédie-Française pour sa version de La Mouette de Tchekhov. Une scénographie inventive et percutante pour une interprétation à fleur de peau.
En quelques mots : Une Mouette d'après Tchekhov à la Comédie-Française
- Une mère vouée à sa carrière d'actrice et un fils meurtri, à la créativité bridée
- Une Mouette à fleur de peau dans une scénographie percutante
- Elsa Granat, l'adaptation des grands textes pour résonner avec le monde d'aujourd'hui
- Tchekhov, le théâtre universel du rêve frustré

La Mouette, une quête d'amour et de reconnaissance
Dans la datcha familiale, Arkadina, actrice célèbre, arrive de Moscou accompagnée de Trigorine, un écrivain à succès. Elle y retrouve son fils Konstantin et son frère Sorine. Konstantin est amoureux de Nina, une jeune actrice en mal de notoriété, et monte avec elle une pièce de théâtre dans le jardin de la propriété. Konstantin a une ambition novatrice d'écrivain, mais sa mère méprise son œuvre. Nina tombe amoureuse de Trigorine et s'enfuit à Moscou avec lui avant d'être abandonnée. Quant à Macha, amoureuse de Konstantin, elle consent par dépit à épouser le maître d'école Medvédenko et mène avec lui une vie frustrée et malheureuse...
Une scénographie percutante
Elsa Granat fait précéder la pièce d'un "préquel" quil raconte la parcours artistique d'Arkadina et l’enfance de Konstantin. Lorsque son père Gavriil les abandonne, c'est l'oncle Sorine qui les protège et soutient la carrière naissante de sa sœur Arkadina, entièrement vouée à son art. Dans une scénographie innovante et captivante, la pièce de Tchekhov résonne avec le monde d'aujourd'hui : langage parfois trivial, effets burlesques, ambiance sonore intrigante et musique rock ou électro. Lorsque l'orage gronde, c'est toute la salle Richelieu qui frémit sous une lumière vacillante. L'espace scénique est intelligemment découpé par un grand rideau peint de verdure qui déplace l'action au bord du lac.
Une version à fleur de peau
Pour le jeu des comédiens, la metteuse en scène ne fait pas dans le minimalisme, au risque parfois de nuire à la compréhension du texte et de lasser. Les personnages souffrent, crient, s'agitent et expriment avec véhémence leurs frustrations et leur désespoir. On ne s'ennuie pas avec ce Tchekhov, porté par les excellents comédiens de la Comédie-Française. Julien Frison impressionne par son jeu nuancé, sincère et profondément émouvant : un artiste fébrile et visionnaire broyé par le manque d'amour de sa mère. Adeline d'Hermy incarne brillamment Nina : sa composition du personnage à son retour au domaine est bouleversante. Elsa Granat ajoute aussi une scène à la fin de la pièce. Arkadina, convulsée de douleur, y exprime ses remords dans une crise d'hystérie. On préfère la fin originale qui est l'un des plus beaux moments du théâtre de Tchekhov.
"Arkadina est d’une liberté bouleversante pour celles et ceux qui la regardent vivre." Elsa Granat
Elsa Granat, faire résonner les grands textes
Née à Marseille en 1981, Elsa Granat commence le théâtre après ses études (khâgne et hypokhâgne). Elle se forme au CNR de Marseille et fait la rencontre déterminante d’Edward Bond à l’occasion d’un stage à la Friche de la Belle de Mai. À Paris, elle complète sa formation dans la Classe Libre du Cours Florent. Comédienne, elle passe à la mise en scène et crée la compagnie Tout un ciel. Elle fonde son travail sur un rapport sublimé au réel, en partant toujours de là pour le transcender. Parmi ses pièces récentes, on compte "Le Massacre du Printemps" (2017), V.T.R.I.O.L (2020) King Lear Syndrome ou les Mal-élevés (2022) et "Nora, Nora, Nora ! De l’influence des épouses sur les chefs-d’œuvre" (2024). Elle est artiste associée au Théâtre Gérard Philipe CDN et au NEST-CDN Transfrontalier de Thionville-Grand Est.
Tchekhov, le théâtre universel du rêve frustré
Anton Tchekhov (1860-1904) a profondément renouvelé le théâtre moderne. Médecin de formation, il commence par écrire des nouvelles humoristiques pour subvenir aux besoins de sa famille, avant de se tourner vers des œuvres plus littéraires. Son style se caractérise par une grande sobriété, une attention fine aux détails du quotidien et la suggestion subtile des émotions et des conflits intérieurs qui déchirent ses personnages. Tchekhov explore souvent les thèmes de la solitude, du passage du temps, de l'ambition frustrée et des désillusions de la vie. Il évite les intrigues spectaculaires, préférant montrer des personnages ordinaires confrontés à l’absurdité de leur existence. Parmi ses pièces les plus célèbres figurent "La Mouette" (1896), "Oncle Vania" (1899), "Les Trois Sœurs" (1901) et "La Cerisaie" (1904).
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D'après La Mouette d'Anton Tchekhov (1896)
André Markowicz et Françoise Morvan traduction
Elsa Granat adaptation et mise en scène
Marina Hands Arkadina
Bakary Sangaré Sorine, frère d'Arkadina
Adeline d'Hermy Nina
Loïc Corbery Trigorine
Julien Frison Konstantin
Nicolas Lormeau Dorn, médecin et Gavriil, père de Tréplev
Birane Ba Medvédenko, maître d'école
Dominique Parent Chamraïev lieutenant à la retraite, intendant chez Sorine et le Régisseur
Julie Sicard Macha, fille de Chamraïev
Edouard Blaimont Nikita, régisseur et le jeune acteur
Blanche Sottou Sofia, costumière et la jeune actrice
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