Andres Serrano, portraits de l'Amérique au Musée Maillol
Les clichés d'Andres Serrano sont à double tranchant : derrière leur beauté sidérante apparaissent sans complaisance les travers de la société américaine.
Les portraits de l'Amérique d'Andres Serrano au Musée Maillol
- Andres Serrano : une esthétique baroque et dérangeante
- Les coins sombres de l'Amérique : pauvreté, racisme, violence, inégalités
- L'inspiration religieuse
- Une rétrospective de grande ampleur
Andres Serrano, baroque et dérangeant
Andres Serrano est né en 1950 à New York dans une famille d'origine hondurienne et afro-cubaine. Inspiré par la peinture religieuse et les grands maîtres de la Renaissance, il utilise la photographie pour créer des images aussi puissantes que provocantes. Ses clichés majestueux et d'une esthétique baroque abordent des sujets fondamentaux de société sans pour autant prendre parti, laissant au spectateur toute sa liberté d'interprétation. Son style, marqué par des compositions audacieuses et des couleurs intenses, transcende la simple photographie pour proposer des métaphores visuelles de sujets universels tels que la religion, la violence, la mort. Son utilisation de fluides humains (lait maternel, sperme, urine) pour magnifier ses sujets a fait scandale, notamment son Piss Christ (1987).
L'Amérique belle et sombre
Andres Serrano montre une Amérique puissante et diverse, mais minée par les tensions et les contradictions. Il s'intéresse au racisme, à la violence des armes à feu, aux marginaux et laissés-pour-compte qui sont dignifiés dans des compositions grandioses et sincères. L'exposition montre ses séries sur les Native Americans, les SDF, les minorités sexuelles. Sa série Race évoque la représentation stéréotypée des Noirs dans des objets du quotidien de la première moitié du XXe siècle : cartes postales, poupées, affiches, jeux. Il photographie le pire du racisme dans sa série Infamous sur le Ku Klux Klan, dans un contraste entre la beauté formelle et l'ignominie du sujet. Sa série Objets de désir (1992) montre la fascination des Arméricains pour les armes à feu, représentées dans une dimension troublante et quasi-érotique : des outils de morts qui affirment la virilité. Les sévices perpétrés en 2005 par les soldats américains dans la prison d'Abu Ghraib en Irak l'amènent à créer une serie sur la torture, manifestation extrême de " l'inhumanité de l'homme envers l'homme ". Sa série sur les Robots interroge sur le futur de la société. Ses photos de Donald Trump (All Things Trump) décryptent le marketing personnel d'un milliardaire narcissique et brutal.
" Plutôt que détruire les icônes sacrées, je les réinvente et les renforce. " Andres Serrano
Images saintes
Andres Serrano est profondément chrétien. L'artiste trouve l'une de ses principales sources d'inspiration dans l'art du Moyen-Age et de la Renaissance. Ses images de statues de Christ plongées dans le lait ou l'urine ont provoqué l'un des plus gros scandales de l'art contemporain. Pourtant, on ne peut qu'être saisi et troublé par le mystère qui s'en dégage. Sa serie Holy Works - Images saintes (2011) reprend les canons de l'art sacré dans des mises en scène impactantes. Mais comme toujours chez lui, la représentation du sacré est ambivalente, entre sublime divin et souffrance humaine.
Un rétrospective de grande ampleur
L'exposition du Musée Maillol est la plus ambitieuse consacrée à Andres Serrano par un musée français après celles de la Maison Européenne de la Photographie (2016) et du Petit Palais (2017). Le découpage structuré par thématiques est accompagné de textes accessibles et très intéressants pour une analyse approfondie du travail de l'artiste.