Le Moche, une comédie satirique au Studio-Théâtre de la Comédie-Française
Aurélien Hamard-Padis monte au Studio-Théâtre de la Comédie-Française "Le Moche", une comédie de Marius von Mayenburg sur le conformisme et la dictature de l'apparence.
Le Moche, comédie satirique sur le diktat de l'apparence
- Le récit trépidant d'un changement de visage et ses conséquences inattendues
- Le diktat de l'apparence et l'uniformisation
- Marius von Mayenburg, un auteur de théàtre contemporain très incisif
- Le parcours atypìque d'Aurélien Hamard-Padis

Quand Lette apprend qu'il est vraiment très laid !
Lette est un ingénieur très doué qui conçoit des connecteurs de courant fort pour l'industrie automobile. Son chef annule au dernier moment sa participation à un congrès professionnel pour présenter ses produits : il est vraiment trop laid et risque de nuire au succès commercial de l'entreprise ! Cette révélation, que personne n'avait osé lui faire, bouleverse sa vie et le pousse à subir une opération de chirurgie esthétique pour changer complètement de visage. L'opération est un succès, à tel point que Lette devient une icône sexy que d'autres hommes vont copier. Lette est soudain très beau, mais sa vie devient bien moche... Le récit se déroule à un rythme soutenu, avec 40 séquences qui s'enchaînent à un rythme trépidant. Le metteur en scène, Aurélien Hamard-Padis, affime : "j'essaie de faire en sorte qu'on reste concentrés sur comment Lette vit les choses et le théâtre, en tant que machine sonore et visuelle, va essayer de plonger avec lui dans le vertige de voir son identité complètement façonnée par des injonctions extérieures."
Le diktat de l'apparence et l'uniformisation
La pièce de Marius von Mayenburg, écrite en 2008, annonce de manière prémonitoire les travers d'une société devenue hyper-connectée et standardisée. Le Moche examine comment la société moderne, notamment à travers les réseaux sociaux et les algorithmes, tend à uniformiser les comportements et les apparences. Pour Aurélien Hamard-Padis, "toute l'organisation des algorithmes est quand même basée sur une espèce de façon de rendre l'humain, qui est a priori un animal imprévisible, le plus prévisible possible pour pouvoir faire des projections de long terme de vente de et de marketing. " La pièce questionne la façon dont les individus sont poussés à se conformer à des normes esthétiques et comportementales de plus en plus homogènes. Elle examine aussi comment notre identité est façonnée par le regard et les jugements des autres. Pour le metteur en scène, "ce sont les autres qui, par une multiplicité d'interactions, déterminent notre comportement; parce qu'on est entouré par une température, un climat, des gens, une culture, une éducation, etc., on se comporte d'une certaine façon. Lette ne se dit pas, ça s'est bien passé depuis 50 ans que je suis laid. Il se dit, si je suis laid et que la société ne me veut plus tel quel, il faut que je change." La mise en scène au rythme frénétique montre la fragmentation de l'attention dans le monde moderne pollué de notifications incessantes.
"Aujourd'hui, la photo sur Instagram n'est plus une trace du réel, c'est un réel modifié par un filtre culturel qui vient transformer votre image pour la convertir en idéal numérique." Aurélien Hamard-Padis
Marius von Mayenburg, un auteur contemporain incisif
Né à Munich en 1972, Marius von Mayemburg se forme aux techniques des arts scéniques à l'Université des Arts de Berlin. Il publie sa première pièce, Haarmann, en 1996 et obtient dès l’année suivante le prix Kleist et le prix de la Fondation des auteurs de Francfort pour Visage de feu. Il est repéré par Thomas Ostermeier qui lui propose de rejoindre son équipe artistique, d’abord à la Baracke, puis à la Schaubühne lorsqu’il en prend la direction en 1999. Il y monte ses propres textes, notamment Martyr en 2012 et Mars en 2018. Aurélien Hamard-Padis apprécie particulièrement le style incisif et direct de von Mayenburg, ainsi que sa capacité à créer des situations et des personnages clairs et engageants pour les acteurs. "À la Comédie-Française, les interprètes peuvent vite s'ennuyer s'il n'y a pas, entre guillemets, suffisamment de théâtre et de jeu à mettre en place. Et je me suis dit que cette pièce est vraiment un défi passionnant pour les interprètes de la troupe, que je commence à connaître un peu."

Aurélien Hamard-Padis, de l'école d'ingénieur à la mise en scène
Ingénieur de formation, Aurélien Hamard-Padis se tourne vers le spectacle vivant en se formant d’abord au Cours Florent, puis à l’Université Paris-Nanterre au sein du Master mise en scène et dramaturgie, avant d’intégrer l’académie de la Comédie-Française pour la saison 2019-2020. En tant que collaborateur artistique ou assistant à la mise en scène, il a travaillé avec Arnaud Despechin, Clément Hervieu-Léger, David Lescot ou encore Marie Rémond. À propos de sa reconversion, le metteur en scène affirme : "j'ai toujours beaucoup aimé l'idée de réunir plein de personnes et de construire quelque chose ensemble. Donc au début, c'étaient des applications téléphone, et puis maintenant ce sont des spectacles et je suis quand même plus heureux comme ça."
Propos d'Aurélien Hamard-Padis recueillis par Waheb Lekhal
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Marius von Mayenburg texte
Laurent Mulheisen traduction
Aurélien Hamard-Padis mise en scène
Avec Thierry Hancisse, Jordan Rezgui, Sylvia Bergé, Thierry Godard
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Photos de la pièce ©Vincent Pontet, coll. Comédie-Française
Aurélien Hamard-Padis (c) Culture First
