Les Chroniques, d'après Emile Zola, au Théâtre Gérard Philipe
Au Théâtre Gérard Philipe, Eric Charon adapte deux romans d'Emile Zola dans "Les Chroniques", une pièce fluide et inventive qui fait sentir sur le vif l'inéluctable déchéance humaine.
Les Chroniques : Eric Charon place le public au cœur de l’œuvre de Zola
- "L'Assommoir "et "La Bête humaine" réunis par le verbe
- Rêves brisés, fatalité du désespoir : une histoire intemporelle
- Une mise en scène fluide et inventive portée par un magnifique jeu d'acteurs
- Eric Charon : portrait
Une lignée au destin funeste : les Rougon-Macquart
Dans "L'Assommoir", Gervaise semble sortir de la misère après que son premier mari, Auguste Lantier, l'a abandonnée avec son enfant, Jacques. Elle épouse Coupeau et gère une blanchisserie qui semble tourner rondement. Mais l'alcoolisme de Coupeau et le retour d'Auguste vont briser ses espoirs. Jacques grandit sans amour paternel et dort dans la pièce où l'on range le linge sale. Plus tard, il devient mécanicien de locomotive dans "La Bête humaine" et assiste au meurtre d'un notable qui avait autrefois abusé de Séverine Roubaud, sa maîtresse...
Moments dramatiques pour une histoire intemporelle
Le pari d'Eric Charon est une grande réussite : il nous fait naviguer dans les deux œuvres par des allers-retours entre des moments-clés de chacune que la richesse de la gouaille populaire, dans une langue d'aujourd'hui, rend immédiatement explicites. On suit ces deux histoires dans une parfaite continuité, celle de la nature intemporelle de la condition humaine. En définitive, sur le fil conducteur d'une lignée de malheur, les thèmes abordés sont universels : le poids de la misère, les violences faites aux femmes, le pouvoir des pulsions, la force des addictions.
"Le dispositif scénique biforntal offre une arène dans laquelle le public est invité à observer et à participer à l'enquête." Eric Charon
Une mise en scène fluide et inventive
La pièce commence par une séquence de franche engueulade dans le hall et sur le perron du Théâtre Gérad Philipe : une idée intéressante, mais un peu longue et difficile à exécuter sans délaisser une partie du public qui ne voit rien et n'entend pas bien... Le public prend alors place dans un dispositif bi-frontal fait de quelques tables, chaises et cordes d'étendage qui, habillés d'accessoires (dont un fameux banquet vin-poulet-salade), vont judicieusement évoquer la blanchisserie, la maison des Roubaud, le tribunal où Jacques Lantier sera jugé. C'est surtout le jeu d'acteurs, formidablement incarné, qui donne sa fluidité et son impact au récit . Dans une lumière très maîtrisée, la musique et les bruitages en direct (accordéon, clarinette, sampling) ajoutent à la puissance du jeu interprété sur le plateau, mais aussi au sein du public qui est pris à partie.
Eric Charon : portrait
Après des études littéraires et théâtrales, Eric Charon a participé à de nombreuses créations collectives, notamment avec Sylvain Creuzevault. À partir de 2009, il rejoint le collectif In Vitro avec lequel il joue notamment des pièces dirigées par Julie Deliquet. Son travail privilégie l'écriture de plateau et explore de nouvelles formes de théâtre dans des lieux singuliers, comme pour sa mise en scène de "Série noire - La Chambre bleue" d'après Georges Simenon.
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Eric Charon adaptation et mise en scène
Avec Zoé Briau, Éric Charon, Aleksandra de Cizancourt, Magaly Godenaire, Maxime Perrin (accordéon, percussions et clavier), David Seigneur, Samuel Thézé (clarinette et sampling) et la voix de Olivier Faliez